Polémique au Mont-Blanc : nouvelle saison ! Et on peut dire que les scénaristes ne manquent pas d'idées...

Qui aurait cru que l’affaire des pieux de la discorde connaîtrait d’aussi passionnants rebondissements ? Prolongeant la traditionnelle polémique du début de l’été dernier, fructueux « marronnier » médiatique pour la commune qui en occupe le pied, le Mont-Blanc revient sur le devant de la scène dès ce mois d’avril.  En cause, un jugement prochain portant sur des faits dont la futilité prêterait à sourire s’ils ne mobilisaient pas les services de la justice. Lesquels, pour autant que l’on sache, ne manque pas de vrais sujets à traiter…

Revenons brièvement sur les faits. Juin 2022

Les premières ascensions du début d’été s’effectuent sur une arête des Bosses peu enneigée, rendant le franchissement de la plus haute d’entre elles davantage exposé qu’à l’accoutumée en raison de la glace affleurant tout du long. Localement les choses sont prises en main et, après concertation entre divers acteurs, nos collègues guides Saint-Gervolins plantent 4 fers à béton dans l’intention de sécuriser ce passage (qui se souvient que ce sont eux, en 2017, qui ont aménagé le passage de la Tournette ou une crevasse s’était transformée en mur infranchissable ? Leur intervention n’avait alors provoqué aucun débat et avait grandement contribué à la sécurité collective pendant 2 étés…). En juin dernier, la polémique s’installe et un parcours alternatif en versant nord est proposé par Christophe Profit qui supprime les deux pieux implantés à la partie supérieur du passage. Plus tard dans la saison, les deux pieux médians disparaissent à leur tour.

Ayant eu le plaisir de parcourir quatre fois l’itinéraire entre la mi juin et début juillet, j’ai, comme d’autres, testé les deux options.  J’ai ainsi constaté que le parcours en face nord était peu emprunté parce que pourvu de crevasses impressionnantes et d’un cheminement bien long à tracer après une chute de neige. J’ai donc principalement parcouru l’arête en aller-retour à trois reprises. En réalité, ce n’était pas la partie raide permettant d’accéder à l’arête ou d’en redescendre qui était un problème, mais l’arête elle-même, étroite et glacée. Y assurer une sécurité convenable passait par une manœuvre bien connue qui consiste à faire évoluer les membres de la cordée d’un coté de l’arête et à progresser soi-même de l’autre côté. Pas vraiment festif et peu propice aux croisements entre cordée montantes et descendantes.

Les faits amènent à se poser quelques questions de fond.

  • Ces pieux contribuaient-ils à la sécurité ? De mon point de vue, oui. Ils permettaient principalement de sécuriser les positions d’attente consécutives aux croisement délicats à cet endroit. Avec comme avantage de limiter les tentations de progression précipitée et tous les risques qui en découlent : excès de stress, erreur de cramponnage, accrochage entre cordées ,…
  • Le parcours alternatif en versant nord était-il viable ? Théoriquement oui, mais dans la réalité, non : trop impressionnant, trop long et fatiguant à tracer pour la plupart des pratiquants. Et si ce n’est pas tracé, personne n’y va.
  • Les guides avaient-ils besoin de ces pieux ? Non. Personnellement, je ne suis pas un aigle et pourtant je ne m’en suis jamais servi. Deux broches à glace au baudrier en cas de besoin et des équipiers assez préparés pour les exigences du parcours m’ont permis, comme la plupart des collègues côtoyés sur les lieux, d’aller et venir sans stress excessif, avec le sentiment de jouer efficacement mon rôle.
  • Une autre solution de sécurisation aurait-elle pu être trouvée ? Quitte à monter un perfo, peut-être que réaliser des grosses lunules aurait été davantage approprié : plus discrètes, elles auraient bien fait l’affaire et il aurait été possible également d’en implanter deux ou trois sur l’arête. Le risque de polémique s’en serait trouvé très réduit et compte tenu des faibles précipitations, elles seraient restées en place très longtemps.

Après la technique, parlons d’éthique !

Voilà pour les aspects techniques parce que sur le plan éthique, il y a aussi à dire. Si on peut débattre de la nécessité de sécuriser un point ou un autre du parcours de ce sommet prestigieux, on peut tout autant discuter du droit de Christophe Profit à dicter les conditions dans lesquelles doit s’effectuer cette ascension atypique. En d’autres termes, le fait d’avoir réalisé des performances en alpinisme autorise-t-il à imposer sa vision personnelle là ou une décision collective a été prise par des pairs et par les autorités concernées ? Encore une fois, non. C’est juste un peu insultant à leur égard…

  • D’abord parce que l’ascension du Mont-Blanc présente des singularités qui en font un cas particulier dans nos Alpes. Je n’y reviens pas, je me suis déjà largement exprimé sur ce sujet.
  • Ensuite parce que d’autres sommets sont largement pourvus d’aides artificielles sans que cela provoque le débat (équipements sur la voie normale de la Dent Blanche, du Cervin, de l’Eiger, de la Meije, du Mont-Aiguille, voir l’article d’Alpinmag du 20 juin 2022 ).
  • Enfin parce que les cordes fixes qui émaillent la prestigieuse voie Heckmair de l’Eiger, n’ont jamais fait rugir le lion Christophe Profit qui en a pourtant réalisé l’ascension à de très nombreuses reprises, en amateur et en professionnel, (bravo à lui au passage même si ça n’a rien à voir). Soit j’ai raté quelque chose, soit elles sont toujours en place sans que cela pose un problème d’éthique à notre « légende vivante », ni à quiconque d’ailleurs. Le recours aux artifices serait-il plus légitime en alpinisme de difficulté que dans une ascension de loisir ? Chacun peut librement méditer sur cette question…

Alors, était-il nécessaire d’aller jusqu’en correctionnelle ?

Assurément non, l’affaire est ridicule et n’honore en rien le microcosme alpin. Elle matérialise davantage la confrontation d’égos volumineux et les rivalités de territoires qu’elle sert la communauté montagnarde. En revanche, si on considère que faire deux minutes sur une chaîne nationale en « prime time » vaut la peine d’être ridicule, on comprend que cette pitoyable polémique ait fini devant la justice. Et ce ne sont pas les argumentaires des parties qui ont relevé le débat : les poncifs éculés, images d’Épinal et autres représentations caricaturales de l’alpinisme échangés en audience ont définitivement placé le débat très en dessous du niveau de la mer…

Quoi qu’il en soit, nous saurons bientôt si le verdict ira au-delà d’un simple rappel à la loi. A moins que la raison finisse par l’emporter et qu’une relaxe bienvenue mette un terme définitif  à cette nouvelle et pathétique saison de la saga « Mont-blanc ». Suspens….

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